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mercredi 9 janvier 2013

L’acquisition des bars tabacs par les chinois

Depuis plusieurs années, le rachat de bars tabac par des personnes physiques ou des sociétés chinoises s’accélère, notamment, dans la région parisienne. Dans certains quartiers, une majorité est désormais aux mains de ressortissants franco chinois. A Paris, ils représenteraient déjà un quart des buralistes.

La majorité des acquéreurs sont originaires de Wenzhou, ville de la province de Zhejiang et comptant avec une population de 8 millions d’habitants. Dans les années 80, une immigration soutenue de chinois des « Wenzhou rén” s’est dirigée vers la France. Selon le Ministère de l’intérieur, près de 37 000 personnes auraient migré en France entre 1980 et 2000.

Une fois établie sur place, cette communauté a montré un dynamisme commercial époustouflant. Reprenant d’abord les restaurants chinois du quartier de la rue d’Ivry (13ème arrondissement), ils ont ensuite remodelé le quartier de Belleville, désormais deuxième quartier chinois de Paris. De surcroît, ils ont créé la première plateforme commerciale chinoise en Europe à Aubervilliers. Cet activisme commercial est à l’origine d’un enrichissement sans précédent des « Wenzho rén » dont la plupart disposent de la nationalité française. Quels sont les mécanismes sur lesquels s’appuient financièrement ces opérations de rachat ? L'opération financière est néanmoins loin d'être intéressante.

Quel mode de financement ?

L’acquisition d’un fonds de commerce libellé « Bar Tabac-Française des Jeux » à Paris n’est nullement à la portée de tous. Selon l’emplacement et le chiffre d’affaires, le coût varie entre 200 000 à plus de un million d’euros, voire plus. Généralement, l’apport minimum doit être de 33% du fond de commerce en cas de reprise d'une activité tabac et 25 % du besoin en financement total, ce montant incluant les frais notariés, les stages, la première commande de tabac, le stock et le fond de roulement.

Si traditionnellement les acquéreurs doivent constituer des plans financiers particulièrement rigoureux pour obtenir des prêts bancaires et lesquels sont le plus souvent adossés à des cautions (souvent des hypothèques), le montage financier poursuivi par les acquéreurs chinois est tout à la fois plus complexe et plus efficace : Rarement les acquéreurs enregistrés sont les seuls pourvoyeurs de fonds. Rarement, ces derniers ont recours à des emprunts bancaires.

Selon le Bureau des Échanges internationaux de Wenzhou, l’acquéreur nominatif intervient rarement au-delà de 10 % du montant de l’acquisition, même pour l’apport initial. Dans la plupart des cas, les montages financiers sont organisés selon le mode de la tontine. Plusieurs acheteurs chinois se regroupent pour participer à l’achat des fonds de commerce, d’abord la famille élargie mais aussi des personnes privées extérieures, des sociétés, voire des collectivités territoriales. En moyenne, chaque rachat implique une quinzaine de personnes alors même qu‘un seul acquéreur apparaît nominativement sur les registres du commerce en France.

Du coup, avec les chinois, les négociations sont plutôt rapides alors qu’elles auraient tendance à s’éterniser avec d’autres types d’acquéreurs, faute souvent d’un dossier solide de financement.

Chiffre d’affaire en régression

Un bémol à cette stratégie d'investissement, les bars tabac gérés par des chinois présenteraient une régression du chiffre d’affaire de l’ordre de 10 à 20 %.

Au delà d’une restriction du l’usage de tabac ou de la multiplication des jeux d’argent sur Internet, la raison tiendrait principalement à un problème culturel. D’une part, les chinois éprouvent une certaine difficulté à proposer une restauration à la Française, comme le réclament les clients (genre saucisson beurre cornichon). Ne prisant guère la cuisine hexagonale, certains commerçants vont jusqu’à sous traiter cette activité pour le déjeuner. En outre, les chinois n’éprouvent guère d’inclination à participer aux inévitables débats de café de commerce qui émaillent la vie de ce genre d’établissement. Or ce type de commerce doit beaucoup à une clientèle d’habitués, prompts à découdre sur n’importe quel sujet. Déçus par l’ambiance, certains se réorientent alors vers d’autres établissements à l’accueil plus chaleureux ou rechignent à venir.

Dès lors, les bars tabacs rachetés par des chinois s’apparentent davantage à des points de vente Buraliste et Française des Jeux qu’à un lieu de convivialité et, de surcroit, de restauration. A terme, cette situation peut être critique, car la surface acquise est sans lien par rapport à celle réellement productive. Pourquoi acquérir des m2 en nombre alors que seule une partie d’entre eux est réellement productive ? Enfin dans l’éventualité d’une vente, faute d’un portefeuille stable de clients, la valeur à la revente du fonds de commerce du bail pourrait être singulièrement amputée.

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